Crédit: AMISOM / Iwaria

Je voulais être magistrate

Au cours d’une de mes séances de causerie sur les violences basées sur le genre, j’ai versé des larmes en écoutant une jeune femme de 26 ans raconter son histoire. Donnée en mariage forcé à l’âge de 15 ans, elle a dû affronter ce calvaire seule jusqu’à aujourd’hui.

Son histoire

« À l’époque, j’avais 15 ans et j’étais en classe de 3e. Mon plus grand rêve était de devenir un magistrat, ce qui me motivait à plus travailler et à être la première de ma classe. Ce soir-là, je revenais des cours quand, à ma grande surprise, je vis ma valise au-dehors, au milieu de trois hommes parmi lesquels se trouvait mon père. Après les salutations, mon père m’invita à m’asseoir et me dit : « Ma fille, le moment que j’ai tant attendu est arrivé, le jour où tu dois rejoindre ton mari, Codjo, mon ami dont tu es une promesse pour m’avoir sauvé quand j’étais encore jeune. »

Mes larmes, mes cris et le rappel de mes projets, rêves et ambitions n’ont pas pu changer cette décision. J’ai été prise de force et mis au milieu des deux hommes sur la moto. Je fus ensuite conduite chez mon actuel mari, pour être sa cinquième femme.

C’est ainsi que j’ai été donnée en mariage. Depuis ce jour, je vis une vie remplie de haine, de souffrances, de violences, de douleurs et de pleurs. Aujourd’hui, j’ai 26 ans et je suis mère de cinq enfants. Mon rêve a été mis à l’eau, tous mes projets sont aujourd’hui impossibles. Je voulais être magistrat mais aujourd’hui, je suis une aide-ménagère.« 

Et si elle avait eu la chance de continuer ses études ?

Les mariages forcés et précoces ne sont pas des pratiques propres à des régions du monde. Elles sont nombreuses et répandues un peu partout dans le monde, ces filles qui sont données en mariage forcé et précoce laissant derrière elles, leurs rêves, passions et ambitions. Selon Plan International, « chaque année, plus de 12 millions de filles sont mariées de force avant l’âge de 18 ans. Les mariages forcés et précoces maintiennent les filles dans les conditions de pauvreté et d’impuissance, de génération en génération. » Alors qu’elles sont pleines de passions, d’ambitions, de capacités à accomplir de grandes choses et à participer au développement de nos pays. Pourtant, le drame du mariage forcé et précoce fait rarement les gros titres des journaux.

Certains parents donnent leurs filles en mariage à cause d’une promesse ou d’un bien. D’autres, à cause de la pauvreté, des pratiques traditionnelles, des situations d’urgences (conflit, catastrophe naturelle, crises humanitaires). Ces situations obligent certains foyers à donner leurs filles en mariage.

Beaucoup de parents ignorent et enfreignent aussi les lois qui interdisent le mariage forcé et précoce. Certaines unions sont parfois promises depuis la naissance de l’enfant. Pourtant, ces filles ne sont pas des objets, ni des animaux, mais plutôt des promesses d’avenir. Une adolescente peut-elle éduquer un enfant ? Il urge donc que chaque parent se réveille de son sommeil. La lutte contre le mariage forcé et précoce des filles doit désormais être l’affaire tous.

Chers gouvernements

La convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, dans son article 24-3, fixe à 18 ans la limite de l’enfance. Elle oblige les États à prendre toutes les mesures efficaces et appropriées en vue d’abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé de l’enfant.

Cependant, nos filles continuent de souffrir. Leurs droits à l’éducation, de vivre à l’abri de tout danger, de décider de se marier ou non et d’avoir des enfants sont violés. Nos futures leaders sont retirées des écoles et données en mariage forcé et précoce. Pourtant l’éducation des filles est le meilleur instrument de lutte contre la pauvreté. Nous ne voulons plus des décisions ni des promesses et des lois protectrices sur les papiers. Nous voulons au contraire des actes qui nous assurent un environnement sécurisé. Les activités et journées dédiées à la lutte contre les mariages forcés et précoces sont exécutées dans les zones urbaines. Alors qu’en ce moment, les filles rurales continues d’être données à chaque seconde en mariage, comme des échanges de pacotille.

« Chaque mariage d’enfant évité est précieux. Il signifie qu’une fille de plus a une chance de réaliser son potentiel » (Anju Malhotra). Cependant nous devons tous redoubler d’efforts si nous voulons tenir notre engagement mondial. Eliminer le mariage des enfants d’ici 2030 et éviter ainsi que cette pratique dévastatrice prive des millions de filles de leur enfance.

Pensez à nous, filles d’aujourd’hui, à vos filles, à vos sœurs et aux filles de demain et agissez !

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Auteur·e

mariamarconon

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